EDGAR BRANDT (1880 - 1960)
"Il n’y a rien de difficile, il n’y a que des choses qu’on ne sait pas faire."

EDGAR BRANDT (1880 - 1960)

Edgar William Brandt naît à Paris en 1880. De ses 14 à ses 18 ans, il apprend la ferronnerie d’art à l’Ecole Nationale Professionnelle de Vierzon, dont il sort diplômé en 1898 pour effectuer son service militaire.

En garnison à Nancy, son goût déjà acté pour la modernité et le dessin est encore encouragé par la fréquentation du milieu artistique lorrain et du mouvement de l’Art Nouveau. Par suite, à l'Exposition Universelle de Paris de 1900, les succès de Gallé, Majorelle ou Daum font comprendre à Brandt que l’industrie d’Art impose d’allier la conception artistique au pragmatisme industriel.  

C’est en ce sens qu’il ouvre en 1902 les Etablissements Brandt, un petit atelier parisien où il emploi peu d’ouvriers, spécialisant les tâches de chacun dans une logique rationnelle pour réaliser des bijoux enfer forgé agrémentés d’or et d’argent. Fort du succès de ces premiers modèles, Brandt étend sa production en 1904 aux écrans de cheminés, lampes de tables, montures de vases, miroirs (…) et expose régulièrement aux différents Salons. L’artiste et entrepreneur réinvestit chaque succès dans son entreprise,qu’il dote progressivement d’outillages et de mains supplémentaires.

Cela lui permet de répondre à d’importantes commandes architecturales[1] où il déploie un vocabulaire décoratif essentiellement inspiré par la Nature et le Japonisme (pommes et aiguilles de pins, feuilles …)

 

En août 1914, Brandt est appelé sous les drapeaux et conçoit en 1915 un nouveau modèle de mortier que les autorités militaires lui commandent en grand nombre[2]. Pour assurer cette production, il se fait construire en 1919 un important atelier dans le 16e arrondissement de Paris, dont il conçoit les ferronneries des fenêtres, balustrades et portes comme autant de démonstrations de ses capacités.

Entre naturalisme et géométrie abstraite qu’habillent une grande variété de patines, Brandt y poursuit une production novatrice, à la décoration toujours inspirée par la Nature mais dont la stylisation et la géométrisation se font plus avancées. Il persiste par ailleurs dans une logique à la fois artistique et industrielle, expliquant lors de l’inauguration de ses nouveaux locaux qu’il souhaite produire en série grâce à "l’outillage mécanique merveilleux que possède l’industrie" afin "de faire pénétrer dans l’ensemble de la nation le goût et le sentiment moderne." Cette approche où la production sérielle ne sacrifie ni le dessin ni un travail final à la main lui vaut un réel succès commercial et critique et la collaboration d’autres artistes tels les frères Daum avec qui il réalise des luminaires et des vases soufflés dans des armatures de fer forgé. Brandt se voit également commander plusieurs monuments publics[3] ,œuvre à la décoration de paquebots pour la Compagnie Générale Transatlantique et réalise les rambardes et grilles des enseignes du Bon Marché de Paris en 1923-1924.

 

A l’Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de 1925, Edgar Brandt est d’ores et déjà considéré comme le plus grand ferronnier de sa génération. Il conçoit la grille d'entrée de l’Exposition ainsi que les grilles extérieures et intérieures de l'Hôtel du Collectionneur en association avec Jacques-Emile Ruhlmann. Suite au succès du Salon, il inaugure sa Galerie au 27 boulevard Malesherbes où il expose ses propres créations mais aussi celles d’autres artistes avec lesquels il collabore tels Daum et Lalique. Il ouvre en parallèle une salle d’exposition à Londres, une succursale à New York, et accueille en 1930 l’exposition des artistes animaliers réunis autour de François Pompon parmi lesquels Edouard-Marcel Sandoz, Paul Jouve, Georges Guyot ou Gaston Suisse.

 

La notoriété de Brandt ne cesse de croitre tandis que ses lustres et plafonniers ravissent le public des différentes Expositions Internationale set que ses grilles et balustrades décorent bâtiments Français et New-Yorkais. S’il subit la concurrence de Gilbert Poillerat et Raymond Subes qui travaillent plus l’acier que le fer forgé, et le développement du Modernisme qui favorise l’aluminium, Brandt gardera une clientèle fidèle et ouvrira même en 1932 à Chatillon-sous-Bagneux une gigantesque usine. Cette dernière produira tant de la ferronnerie que la menuiserie métallique (portes et fenêtres) et de la décoration intérieure, avec une section séparée dédiée à la création de munitions.

En 1936, sous le Front Populaire du Gouvernement Blum, les activités d’armement de Brandt sont nationalisées. L’industriel investit le produit de leur vente dans plusieurs entreprises de mécanique et fait fructifier la marque d’électroménager (fondée en 1926) qui achèvera de faire passer son nom à la postérité.

 

La fin de la vie de l’artiste se fera en Suisse, où il s’installe en 1942 pour fuir la France occupée et ne pas risquer de travailler pour le régime Nazi. Il continuera à y vivre après la Libération et s’éteindra à Genève, en mai 1960. Parmi les créateurs les plus célèbres du style Art Déco, Edgar Brandt incarne encore aujourd’hui une certaine idée de l’industrie d’Art et du Style Français.

 

"On ne peut songer aux beaux ouvrages de ferronnerie moderne, sans évoquer le nom d'Edgar Brandt. Dans la lutte de l'homme contre la dure matière qui, par la magie du feu, se laisse modeler, tordre, aplanir, enrouler sous le marteau et se plie docilement aux formes décoratives les plus imprévues et les plus variées, cet artiste a pris une place bien à part, au premier rang. Il n'est pas de chercheur plus résolu, ni plus ingénieux."[4]

 

[1]Brandt cité par René Chavancein "EdgarBrandt et l’Art du Fer", L’Art et les Artistes n°25,1922, page 278

 

[2] comme la réalisation desbalustrades et rambardes du nouveau théâtre de Nancy (inauguré en 1919)

 

[3] une carrièreparallèle de magnat de l’armement que Brandt continue en 1921 en concevant unobusier

 

[4] par exemple le brûloir de laflamme du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe (qu’il termine en 1923)


[5] René Chavance in L'Art et les Artistes de janvier 1921,page 276.

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