Gabriella Crespi, née en 1922, grandit dans un environnement créatif marqué par sa mère, Emma Caima Pellini, créatrice de bijoux pour la mode dans les années 1940-1950, et par une forte influence poétique française. Après des études d'architecture à l'École polytechnique de Milan, où elle est influencée par les travaux de Le Corbusier et Frank Lloyd Wright, Gabriella Crespi se forge un style unique, alliant la culture classique à l'innovation futuriste des années d'après-guerre. Son parcours artistique, riche et diversifié, la mène à se distinguer d’abord dans le design d’objets et de meubles, et plus tard dans la sculpture, la décoration d’intérieur et la création de bijoux.
Mariée en 1945 à Giuseppe Maria Crespi, membre de la famille propriétaire du Corriere della Sera, elle devient mère de deux enfants. Après un séjour isolé aux îles Hébrides, Gabriella s'installe à Milan, où elle fait ses premiers pas dans le monde du design. C'est dans les années 1960-1970 qu'elle se fait connaître, en particulier pour ses meubles et objets de luxe, qu'elle crée pour une clientèle internationale et des personnalités telles que Grace Kelly, Gunther Sachs, le shah d'Iran ou le roi Faycal d'Arabie saoudite. Elle collabore également avec des marques prestigieuses comme Dior pour des créations d’objets et de mobilier.
Son style se caractérise par une fusion de luxe, de glamour seventies et d’élégance intemporelle. Elle puise son inspiration dans les cultures extra-européennes, particulièrement asiatiques, et s’illustre par l’utilisation du bambou, un matériau qui marque ses créations, comme sa collection Rising Sun (1974-1975), mais aussi dans ses pièces métalliques et laquées. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent la table Yang Yin (vers 1970), les tables basses Plurimi (1970), la table 2000 avec ses rallonges en laiton, ou encore la lampe Fungo en bambou et plexiglas, qui fait écho à son goût pour la nature et le biomorphisme. Ces créations, aux formes organiques et modulables, introduisent une nouvelle dimension dans le mobilier, où l'esthétique rencontre la fonctionnalité de manière sculpturale.
Gabriella Crespi est également influencée par les tendances artistiques de l'époque, notamment le mouvement hippie, et s’associe avec des créateurs comme les Lalanne, Pierre Cardin ou Hervé van der Straeten. L’antiquaire Yves Gastou admire sa capacité à mêler meubles du XVIIIe siècle à des matériaux modernes comme le laiton et l’acier, créant des atmosphères à la fois modernes et intemporelles.
À la fin des années 1980, Gabriella décide de se retirer du monde du design pour se consacrer à une quête spirituelle en Inde, suivant les enseignements de Shri Muniraji, son guide spirituel. Elle vit dans un ascétisme total pendant près de vingt ans, se retirant de la scène artistique, mais participe ponctuellement à la décoration de temples indiens. Elle retourne ensuite à Milan.
Son œuvre, bien que tombée dans l'oubli à la fin du XXe siècle, retrouve progressivement sa place sur la scène du design au début des années 2000. En 2008, Stella McCartney réédite une partie de ses bijoux des années 1970, et en 2013, les créateurs de Sergio Rossi s'inspirent de ses meubles pour créer de nouveaux accessoires. Gabriella Crespi est désormais considérée comme l’une des figures majeures du design italien, et son influence se fait sentir sur la scène contemporaine, où ses créations sont de plus en plus recherchées par les collectionneurs.
Sa dernière œuvre, le Wave Desk, réalisée en 2016, marque la fin de son parcours créatif. Elle meurt à Milan le 14 février 2017, laissant derrière elle un héritage unique, marqué par une vision à la fois visionnaire et intemporelle du design, où le raffinement, la poésie et la fonctionnalité se rencontrent.